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La suprématie du droit de propriété n’est pas nouvelle. Rappelons que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclamait dans son article 17 que « la propriété est un droit inviolable et sacré »… Un droit sacré ! Tout était dit. Depuis, force est de constater que les juges, y compris ceux de la Cour de cassation, ont rarement remis en cause ce principe.

Le 4 juillet dernier, une nouvelle fois, la cour de cassation a été amenée à se prononcer sur cette question.

L’affaire est ancienne – on connait les lenteurs de la justice française : en 2014, une centaine de personnes s’installe sur un terrain privé. Dépôt de plainte des propriétaires, interventions auprès du maire. Rien ne se passe !

L’année suivante, sans doute plus pugnace que les autres, l’une des propriétaires décide de saisir le tribunal de grande instance. Elle ne souhaite rien d’autre qu’une expulsion soit ainsi prononcée et ainsi récupérer son terrain.

Selon le TGI, il n’y a pas ici d’atteinte au droit de propriété. On irait même jusqu’à lui reprocher d’avoir attendu un an pour saisir le tribunal, ce qui tendrait à démontrer le peu d’urgence de sa demande. Bref le tribunal refuse d’aller dans le sens de cette propriétaire tout en précisant que l’expulsion serait « gravement préjudiciable » aux occupants. Le TGI prend nettement position contre le caractère « inviolable et sacré » du droit de propriété. Jugement choquant ? Motivé ainsi, évidemment !

Nouvelle procédure devant le tribunal de grande instance, mais cette fois menée par la quasi totalité des propriétaires indivis du terrain occupé. Le TGI accorde un délai de deux ans aux occupants pour quitter les lieux, mais après avoir écarté les arguments fondés sur le caractère « inviolable et sacré » du droit de propriété. Et d’ailleurs le TGI inscrit cette phrase dans son jugement : « affirmer que l’on est propriétaire n’est plus suffisant pour obtenir une décision d’expulsion ».

Quelques occupants interjettent appel de ce jugement mais en vain. Le jugement qui leur ordonnait de quitter les lieux au plus tard en 2017 reste ainsi valable. Les occupants vont par conséquent se pourvoir en cassation. Une action appuyée par la Ligue des droits de l’homme et la fondation Abbé-Pierre.

La Cour de cassation se prononce le 4 juillet 2019 : elle rejette le pourvoi des occupants, rappelant au passage le caractère « absolu » du droit de propriété.